FFME iMag - Le magazine de la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade - 3 : Décembre 2014

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3-Dossier-Sylvie-portrait.jpg Sylvie Viens, cadre technique
3-Dossier-Sylvie-Viens-2.JPG Sylvie Viens
3-Dossier-haut-les-filles-2.jpg Stage Haut les filles du CR Haute-Normandie
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Interview

Sylvie Viens

Rencontre avec Sylvie Viens, CTN en charge du plan de féminisation de la FFME.

Que révèle le bilan du plan de féminisation de la FFME ?

Que la fédération est plutôt bonne élève en la matière. Nous avons beaucoup de féminines, car depuis sa création, la fédération s’est investie dans ce domaine. Il faut dire que la FFME est jeune, et nos activités relativement récentes. A son apparition, la femme avait déjà toute sa place, nous avons donc toujours pratiqué ensemble. Les choses se sont faites assez naturellement, du moins pour l’escalade, ce qui je pense est directement lié à notre activité.


C’est-à-dire ?

C’est une des rares activités, où dans les niveaux débutants, femmes et hommes évoluent en parallèle. On observe que de l’initiation au perfectionnement, la progression est similaire. Tous deux s’engagent dans les mêmes voies, avec les mêmes niveaux de difficulté. Si les hommes mettent souvent en œuvre leur force pour franchir un passage, les femmes développent de meilleurs placements ce qui leur permet de franchir de manière plus économique le même passage. C’est ce qui est vraiment sympa !


Pour quelles raisons la proportion féminine baisse-t-elle avec l’âge ?

La baisse de licenciées féminines à l’adolescence, qui devient très criante chez les femmes adultes est un phénomène qui s’observe, je pense, dans la plupart des fédérations. L’évolution des pôles d’intérêt est fréquente à l’adolescence et les filles passent souvent plus de temps que les garçons à leurs études... Il n’est donc pas étonnant qu’elles diminuent leur pratique sportive. Mais, mon ressenti personnel à ce sujet, c’est qu’au cours de son adolescence, une fille perd souvent du rapport poids/puissance, contrairement à un garçon, qui a tendance lui à en gagner, en prenant de la musculature. Mais pour une jeune fille, prendre de la musculature à la puberté relève de la mission. C’est lié à nos caractéristiques morphologiques et physiologiques de femmes et c’est très démotivant tout particulièrement en escalade.


Un constat qui soulève la question de l’ouverture ?

En effet, c’est une question que je soulève dans le plan de féminisation : Propose-t-on et ouvre-t-on des voies adaptées aux caractéristiques féminines pour motiver les femmes, faciliter leur progression et les encourager à rester licenciées dans leur vie d’adulte ? A ce sujet, les propositions sont ouvertes, et un travail de réflexion devrait être mis en place avec les ouvreurs.


Avez-vous des pistes pour féminiser encore la pratique ?

Nous avons des idées oui, et en proposons dans notre plan de féminisation. Des évènements à destination de femmes, ou encore des équipes féminines pour l’entraînement dans certaines activités. Des actions qui se font déjà dans certains comités, comme le stage Montagne et Escalade « Haut les filles » lancé par le CR FFME de Haute-Normandie, et réservé aux femmes, ou encore l’équipe régionale féminine de ski-alpinisme du CR FMME Rhône-Alpes (des filles entraînées par une femme). Désormais, l’objectif de la FFME va être d’impulser des idées et de lancer la dynamique pour qu’elle soit suivie dans les comités et les clubs. Pour les inciter, on pense par exemple à intégrer un critère « féminisation » pour l’obtention des labels fédéraux.


Et du côté de la gouvernance ?

La fédération s’est beaucoup investie pour amener les femmes à s’impliquer au niveau des comités directeurs, et ce à tous les niveaux. Cela dit, ici encore, je pense que nous pouvons faire bien mieux. Par exemple, notre conseil d’administration est à stricte parité, mais les trois postes du bureau restreint de la fédération sont trois hommes. Pierre You est particulièrement sensible à cela, il a fait le vœu de former une femme pour prendre un de ses rôles clés au bureau. Il souhaite aussi rendre les comités directeurs des CD et CR à parité homme/femme.


Ce n’est pas encore le cas ?

Non, il faut savoir qu’au niveau législatif, seul le niveau national est soumis à la parité. Les CD CR sont régis par des statuts différents, et pour eux la part des féminines doit être proportionnelle à la part de licenciées de plus de 18 ans. C’est donc une proportion assez faible (entre 20 et 30 %), qui est néanmoins relativement bien respectée, sauf dans les comités ou des postes restent vacants, car ils ne « trouvent personnes ». Pour ma part je pense qu’il faut aller chercher les filles, les solliciter à s’impliquer dans les comités directeurs. Pierre You le dit d’ailleurs très bien : quand il a proposé à parité le conseil d’administration de la fédération, certains considéraient la tâche impossible. « On ne trouve personne si on ne va pas chercher les femmes. Quand je leur ai demandées, elles ont répondu présentes ».


Et dans l’arbitrage, quelles sont les raisons du manque de femmes ?

Dans l’arbitrage, en escalade principalement, on trouve beaucoup plus de juges femmes (voie/ bloc) que de présidentes de jury, et plus on monte dans les échelons (régional, national, international) plus elles se raréfient. C’est une occupation bénévole relativement contraignante en termes de déplacements, de temps. Maintenant quelle est la raison principale de leur défection aux postes d’arbitre nationale ou internationale : le temps et les contraintes familiales, la difficulté à faire face à la pression ? Ou a-t-on simplement oublié de motiver et aider des femmes pour les amener à ce type de poste à responsabilité ?


Comment ça se passe dans les autres fédérations ?

La fédération de football est un bon exemple en la matière. Eux qui étaient, il n’y a pas si longtemps aux B A BA de la féminisation dans certains domaines ont vraiment pris le problème à bras le corps, mis les moyens, et envoyé des messages très forts, dont le premier fut de nommer une femme, Brigitte Henriquès, secrétaire générale de la FFF. Leur politique de féminisation est riche en actions, la campagne « Mesdames, franchissez la barrière », a particulièrement incité les femmes à passer de spectatrices à actrices de la fédération. En franchissant cette barrière, elles sont entrées dans les instances des clubs. Ceci dit, la FFF est encore loin derrière notre niveau de féminisation…


Quel est ton sentiment personnel sur la féminisation de la FFME ?

C’est bien dans la mixité que notre fédération continuera d’avancer, femmes/hommes, hommes/femmes ensemble. Pour cela, il nous faut motiver des femmes à prendre plus de responsabilités et nous manquons de femmes, surtout sur les postes de terrain : les femmes donnent confiance et envie à d’autres femmes, à des jeunes filles. Dans certains domaines de la fédération, notamment l’encadrement, on a tout à gagner à avoir plus de femmes. Par exemple, je trouve vraiment dommage qu’on n’ait pas de femme dans un staff d’entraîneur chez les jeunes. Sur les cadres techniques, également, il est clair que nous ne sommes pas assez nombreuses. Ce n’est pas que le DTN ne veut pas de femme, bien au contraire, c’est qu’il n’y en a pas, ou qu’elles n’ont pas le bon profil. Sur les postes d’Etat, qui nécessitent un profil de professeur de sport, il n’y a pas de féminine sur le marché.


On parle de complémentarité, qu’apportent les femmes en plus ?

Voilà une question piège, difficile de ne pas tomber dans les généralités simplistes. Entre nous, je ne pense pas qu’on apporte des choses fondamentalement différentes. Peut-être, une conception différente : quand une femme prend un poste à responsabilité, elle est plus motivée par l’efficacité et l’action que par le pouvoir. Le pouvoir, je trouve que c’est typiquement masculin, même si on trouve des exceptions partout !

Après, la compétence doit primer sur le genre, mais le simple fait d’avoir des femmes dans une équipe implique qu’elles vont penser automatiquement aux femmes qu’elles représentent. Par exemple, si nous avons autant de visuels féminins dans nos actions de communication, c’est que nous avons des femmes à l’infographie et à la com. Et rien que ça, c’est vraiment important !


Vous n'êtes que deux cadres techniques femmes à la FFME, comment ressens-tu cette situation ?

J’estime que lorsqu'on choisit ce métier-là, c’est qu’on n’a pas de problème à travailler dans un milieu essentiellement masculin, et en 1990, il y avait moins de femmes à la fédération qu’aujourd’hui. Je n’ai jamais rencontré de difficulté, ni ressenti de discrimination. J’ai juste fait le choix, à un moment, de m’arrêter, car être cadre technique avec trois enfants en bas âge et un mari très pris professionnellement, c’était vraiment compliqué : mes pires souvenirs de CTN jeune maman : « qu’est-ce qu’on va faire des enfants ce week-end… ? ».

J’ai depuis repris avec enthousiasme mes missions, sans entraves, ni mettre de côté ma sensibilité ! C’est une fédération où je me sens vraiment à ma place !

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