Pouvez-vous me donner à chaud votre ressenti de femme élue à la FFME?
Françoise Ducoeur : Je ne suis pas très à l’aise avec la problématique des femmes élues ou femmes qui assument des responsabilités, car j’espère d’abord que mon ressenti soit celui d’une personne élue, que ce soit homme ou femme ! Je pense agir et réagir en fonction des missions d’élue et non en fonction de femme élue… Nous sommes deux femmes au Bureau fédéral, peut-être y a-t-il davantage de différences de ressenti entre nous deux, qu’entre chacune de nous et les autres élus masculins du Bureau ?! En résumé, je ne sais pas si on peut parler d’un ressenti plutôt masculin ou plutôt féminin, je dirais que tout dépend de la personnalité de chacun, de son expérience, de son parcours de vie.
Juliette Payet : Je suis d’accord avec Françoise, je ne sais pas si mon ressenti de femme élue doit être différent de celui d'un homme élu, dans la mesure où j'essaie d'accomplir ce pour quoi j'ai été élue. Je me sens tout à fait à l'aise en tant que femme élue.
Quelles raisons ont motivé cette prise de poste ?
JP : Tenter d'aller au bout de mes convictions et pouvoir m'inscrire dans un projet collectif pour réussir de belles choses, c'est ce qui me plait. Cette prise de poste résulte d’un ensemble de circonstances, j'ai toujours aimé les défis.
FD : Pour ma part, c’est la volonté de Pierre You d’instaurer la parité au CA de la FFME dès 2008 qui a été déterminante. J’étais investie dans un des premiers clubs d’escalade (Chambéry Escalade) et élue du comité de Savoie donc au contact de la montagne et de la multi-activités. J’étais parvenue à un moment de ma vie professionnelle et personnelle où je pouvais donner encore plus d’importance et de temps à mon engagement associatif, donc j’ai donné mon accord pour intégrer l’équipe de Pierre You.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées (en tant que femme)?
JP : Pas de difficulté particulière. J'ai toujours été très bien accueillie et acceptée. Je n'ai pas la sensation que l'on diffère dans notre fédération. Et c'est un point très important pour moi.
FD : Moi aussi j’éluderai la partie entre parenthèses, car je ne sais pas distinguer si c’est le fait d’être une femme qui a occasionné des difficultés ou tout simplement la fonction d’élue du Bureau… Le plus difficile au début a été de donner des priorités dans tous les dossiers à gérer. D’autant que j’ai poursuivi mes engagements à tous les niveaux en plus de cette nouvelle fonction. Ce qui me semblait d’ailleurs indispensable pour garder les pieds dans la réalité et faire le lien avec mes fonctions d’élue du Bureau. Les moments de tension et conflit rencontrés parfois au fil de la vie fédérale, ne sont pas toujours faciles à appréhender, mais ils font partie du « jeu » et permettent de mon point de vue la remise en cause, l’évolution.
Quels sont les bénéfices personnels que vous en retirez?
FD : Etre élue au Bureau de la FFME m’a beaucoup apporté de par la diversité des réflexions et actions à mener, des personnes et situations rencontrées. C’est un investissement enrichissant, même si parfois on y laisse peut-être beaucoup (trop ?) d’énergie… J’espère aussi avoir su apporter dans cette fonction l’investissement et les convictions nécessaires au développement de la fédération.
JP: Une certaine prise de confiance, d'épanouissement et beaucoup de plaisir aussi lorsque les projets aboutissent. D'un point de vue relationnel, nous sommes, au Bureau national, une équipe très soudée avec beaucoup de connivence, c’est plaisant d’y travailler !
Comment jonglez-vous entre vie de famille, vie professionnelle et cette vie associative ?
JP : Voilà toute la vraie question! En fait, c'est le speed PERMANENT. Cela demande une organisation rigoureuse, chronométrée, mais il ne faut pas de petits débordements. Tous les gens qui m'entourent, que ce soit dans ma vie privée ou professionnelle, m'aident beaucoup. Beaucoup de confiance, de compréhension et de passion aussi. Ce sont souvent des passionnés et militants qui comprennent les passionnées comme moi. Sans eux, je ne pourrais jamais assumer de telles responsabilités. Pour ma part, c'est une vraie histoire de passion. Personnelle, familiale, et professionnelle aussi un peu.
FD : Aujourd’hui je dois donner des priorités entre mes investissements « locaux » (club et CD) et nationaux, du fait de charges professionnelles plus importantes. Ce n’est pas évident car les liens, comme je l’ai dit, me semblent utiles pour avoir une connaissance globale du système associatif. Cet investissement n’a pas toujours été facile à faire accepter autour de moi, et c’est vrai qu’il a pu peser parfois du fait du temps important que je lui consacrais. Pourtant j’ai surtout essayé de prendre sur mon temps de loisir personnel et non sur le temps consacré aux enfants, à la famille. Pour preuve : mon niveau en escalade reste le même depuis plusieurs années, quant au ski de randonnée et aux pratiques en montagne (je n’ose pas parler d’alpinisme…), j’y reviendrai quand j’aurai davantage de temps à y consacrer !
Quelles sont, selon vous, les raisons pour lesquelles peu de femmes occupent les postes d'élues à la fédération ?
FD : Il est vrai que les postes à responsabilité dans le milieu des fédérations sportives sont peu occupés par des femmes, d’où le recours à la contrainte utilisée par le ministère pour y remédier. Plusieurs possibilités peuvent concourir à ce constat : les femmes privilégient-elles leur vie familiale et professionnelle avant de s’engager dans d’autres domaines ? Historiquement, les postes à responsabilité ont le plus souvent été occupés par des hommes que ce soit dans la sphère professionnelle, sociale ou associative. Même si l’obligation faite aux fédérations d’avoir une représentativité féminine plus juste peut paraître contre-productive (dans le cas où elles remplissent un quota…), c’est sans doute une étape nécessaire pour favoriser leur implication. Cependant je pense que l’évolution actuelle dans le monde associatif rencontre d’autres problèmes, à savoir le recrutement de bénévoles, qu’ils soient hommes ou femmes.
JP : Pour ma part, je pense que l'ensemble des responsabilités et des sacrifices que te demandent de tels engagements obligent à être très bien entourée. C'est pour moi LA clé ! Cependant, là encore, je crois que ce n'est pas forcément une question d'homme ou de femme, mais de caractère et de moment propice dans ta vie pour faire certaines choses.
Auriez-vous des solutions pour développer la féminisation au sein des bureaux?
JP : Tout d’abord, continuer à solliciter comme le fait notre président, les femmes impliquées dans la vie associative des clubs, des CD et des CR.
FD : Difficile d’être prescriptive pour répondre à ce problème qui relève d’un phénomène sociétal. Pour en revenir à ce que je disais au début : homme ou femme peu importe du moment que les gens sont compétents dans la fonction qu’ils occupent. Pour les femmes, c’est un lent cheminement, mais peu à peu la mutation se fait car leur compétence dans divers domaines est à l’égal de celle des hommes.
Au cœur de l’arbitrage
Rencontre avec Françoise Lepron, qui fêtait cette année 25 ans d’arbitrage
« Je m'y suis mise naturellement, après avoir fait moi-même de la compétition, c’était bien sympa de se mettre à l’arbitrage. En tant que femme, je n’ai jamais vraiment rencontré de difficulté… pas plus qu’un homme du moins. Sauf peut-être une fois, où j’étais présidente de jury sur une compétition internationale. C’était à Prague, à mes débuts… la seule fois où j’ai vraiment senti que les hommes n’avaient pas envie de travailler avec une femme. Depuis, j’assume au même titre qu’un juge homme, c’est une histoire de compétences, de responsabilité et surtout de disponibilité… je crois que c’est pour cela que nous sommes si peu nombreuses.
Pour ma part, j’ai 180 compétitions en tant que juge, aujourd’hui, je suis une des plus anciennes, et ce que je ressens, c’est surtout un grand respect ! »
Rencontre avec Anne-Linda Dufour, présidente de jury
Pour quelles raisons t'es-tu investie dans l'arbitrage?
« C’est surtout par respect des sportifs que je me suis investie dans ces prises de postes. Ils s’entraînent toute l'année et méritent une belle et juste compétition. Être présidente de jury est aussi une bonne expérience en management, mais le plus compliqué reste le temps… surtout quand on a un job à temps plein, et une famille ! Ce qui implique, chaque jour de faire des choix sur les priorités, en privilégiant qualité sur quantité, d’autant que pour mon activité pro je me déplace souvent. Alors, nous sommes habitués à ne pas se voir tous les soirs et à optimiser le temps qu'on passe ensemble. »
Quelles sont les raisons de l’iniquité actuelle de genre dans l’arbitrage ?
« Réussir en tant que juge au niveau national demande une certaine disponibilité et beaucoup de mobilité, ce qui n'est pas forcément réalisable pour toutes. Sinon je pense que les femmes trop souvent ne mettent pas leurs qualités en avant. Juger c'est un travail de précision et d'organisation dans lequel les femmes sont très bonnes. Par exemple, en ce qui me concerne je ne suis pour l'instant pas formée pour être juge internationale (IFSC), car mon activité professionnelle ne me le permet pas. Je prends des jours de congés pour les compétitions hors WE et je tente au mieux d'adapter mes déplacements. »
Aurais-tu des solutions pour développer la féminisation chez les juges ?
« Pas de solutions mais quelques suggestions : une femme doute plus facilement de ses capacités qu'un homme, pour ensuite livrer souvent un travail de meilleure qualité. Peut-être certaines femmes ne se lancent pas car elles pensent ne pas avoir le niveau en escalade pour pouvoir juger. Je pense qu'il faut mettre plus en avant les autres qualités comme l'organisation et la précision. Il faut rendre les parcours de formation accessible aux femmes (horaires). Je pense aussi que pour les officiels de ce sport, on ne fait pas de différence entre hommes et femmes - en tout cas pas entre nous, alors je suis optimiste, le pourcentage des femmes va augmenter naturellement ! »
Paroles d’entraîneur
Marianne Berger CTN depuis seize ans
As-tu remarqué, durant ces seize ans, une évolution dans ta position de femme ?
« Bien-sûr, elle a évolué avec mes missions. J’ai commencé par l’encadrement d’une équipe de France jeunes, au sein de laquelle, je reconnais que j’étais considérée un peu comme la maman. Ça rassurait les athlètes, et même souvent les parents. Les athlètes les plus jeunes ont bien besoin de ce petit côté maternisant, quand on part à l’étranger pour des compétitions. C’est vrai qu’une touche féminine dans l’encadrement est un plus. Cela dit, je n’ai jamais considéré les athlètes comme mes enfants, et je m’en protège. C’est important de faire la part des choses.
Aujourd’hui pourtant, je pense avoir beaucoup évolué, et l’encadrement d’une équipe senior n’a rien de comparable avec les jeunes : les besoins des athlètes ne sont pas du tout les mêmes. Pour autant, je trouve que nous avons une belle complémentarité avec Corentin Le Goff sur l’équipe de France de difficulté. En effet, il me semble que j’ai un regard, une sensibilité différente dans le rapport entraineur/entrainé. Beaucoup d’entraineurs masculins sont dans une certaine retenue avec les athlètes femmes, moi, je peux plus dire les choses, et notre coopération fonctionne bien ! »
Quelles difficultés as-tu rencontrées, en tant que femme, dans ton métier ?
« Elles sont certainement dues au milieu sportif, mais il faut savoir que rien n’est jamais acquis. Par exemple, j’ai eu trois enfants, et à chaque retour de congé maternité, j’ai dû refaire ma place. Je crois que c’est mon expérience (je suis dans l’escalade depuis que j’ai treize ans) et mon tempérament de « guerrière » qui m’ont permis de rester à des postes à responsabilité.
Mais avant tout, le plus dur à gérer reste la vie de famille : je pars une cinquantaine de jours dans l’année, et avec trois enfants, ça demande une certaine organisation. J’ai parfois l’impression d’être DRH à la maison, de gérer les plannings de chacun. Après, c’est mon choix de vie, je ne vois pas les enfants le week-end, mais je les ai à manger la plupart des midis, et je les récupère souvent à la sortie de l’école. Peut-être qu’au final j’en profite plus que certains salariés conventionnels. Mais avant tout ce métier est une passion, je ne me vois pas faire autre chose.
Après, il est aussi vrai que je trouve mon équilibre ailleurs : ce n’est pas pour rien que je fais de la danse dans mes loisirs, un besoin de n’être un peu qu’avec des filles ! »
Salariées au sein des CR
Virginie Jouffe et Anne Geernaert, agents de développement, salariées du Comité Régional Midi-Pyrénées FFME
Pouvez-vous me donner à chaud, votre ressenti de femmes salariées d'un CR de la FFME?
Virginie Jouffe : « En tant qu’agent de développement, je ne ressens pas de différences particulières sur mon poste du fait d’être une femme ! On a de la chance d’être une fédération de disciplines presque mixtes et ça se ressent dans les mentalités des élus. Ce n’est sans doute pas la seule raison mais c’est vrai qu’on se sent privilégiées par rapport à d’autres salariées de ligues plus « masculines.»
Anne Geernaert : « Moi non plus, sur le sujet de salariée « femme » je n’ai pas grand-chose à dire, ce qui est plutôt positif ! Les élus aux postes à responsabilité sont encore majoritairement des hommes mais ils font en sorte que ça change. »
Quelles raisons ont motivé cette prise de poste ?
AG : « L’intérêt pour le monde associatif et la passion pour les sports de montagne et l’escalade. »
VJ : « Les missions variées associées au poste, et mon intérêt pour le milieu sportif et associatif ; et particulièrement le lien avec les bénévoles, les licenciés,… »
Quelles sont les principales difficultés rencontrées (en tant que femme)?
VJ : « Je n’ai pas rencontré de difficultés liées au fait d’être une femme. C’est peut-être le fait que l’emploi soit plutôt administratif, puisque nous travaillons majoritairement avec des hommes sur la partie technique (encadrement, formation,…), mais le fait d’être une femme sur ce poste ne pose aucune difficulté ! »
AG : « Moi non plus, je ne vois pas de difficulté qui soit liée au fait que je sois une femme. J’ai pris deux congés parentaux et ça n’a pas posé de problème, les élus se sont adaptés et ils ont tout fait pour m’offrir les conditions idéales pour allier vie professionnelle et familiale. »
Bénévole en club et comité régional
Françoise Loussouarn, Présidente du Club Vertige Dreux Escalade (250 licenciés) depuis quatre ans et trésorière de la Région Centre.
« Aujourd'hui les femmes ont de plus en plus un rôle à jouer dans les institutions. Le club qui m'a élue présidente n'a pas hésité à élire aussi une trésorière et une secrétaire, et nous n’avons pas eu à nous battre pour ça ! Je suis heureuse d'avoir été élue pour mon savoir-faire et mon expérience et non parce que je suis une femme et que nous avions « besoin de parité ».
Le cadre de la FFME m'a permis de prendre confiance en moi, en faisant respecter des règles claires et précises. Je suis quelqu'un de nature réservée et même timide, je ne suis pas à l'aise pour parler en public mais je ne me suis jamais sentie jugée au sein du club. Même si lors de prise de parole j'ai toujours le trac, je me sens plus à l'aise. Je ne pensais pas être capable d'organiser une compétition régionale, de faire du courrier pour les sponsors et tant d'autres choses… Bref, je suis remontée dans mon estime … quoi de plus agréable.
J'ai aussi la chance d'être entourée d'une équipe que je connais depuis 20 ans pour certains d'entre eux .Je peux leur faire confiance et recevoir toutes les infos pouvant être utiles. Aujourd'hui, je peux avoir à prendre des décisions difficiles, avec courtoisie, sourire et fermeté.
Je pense que les mentalités évoluent et qu'il est plus facile de nos jours d'être une femme avec des responsabilités dans les instances. Faisons nos preuves et les portes s'ouvriront de plus en plus. »