Comment l’escalade et la FFME sont‑ils entrés dans ta vie ?
J’ai la chance d’avoir deux grands frères qui appréciaient l’alpinisme et les activités de montagne au sens large. Un jour, une place s’est libérée sur un stage, et ils m’ont emmené avec eux. J’avais 12 ans. C’était à l’île aux Pies (35) pour faire de l’escalade. J’y ai gouté, et je suis vite devenu accroc.
Comment es‑tu passé d’alpiniste à grimpeur ?
Tout à fait naturellement : je suis d’une génération qui a commencé par la montagne, et quand on habite dans l’ouest de la France, on fait un peu avec ce qu’on a au début, c’est-à-dire sans montagne, mais avec des petites falaises qu’on a près de chez nous.
Qu’est‑ce qui t’a attiré dans ce sport ?
Avant tout, je crois, le côté nature. Mais également la convivialité. On est ensemble, entre copains, c’est toujours chouette. J’ai beaucoup apprécié également le dépassement de soi : il faut s’arracher pour faire quelque chose. J’ai eu la chance de passer par beaucoup de sports, principalement de la gym, qui fournit de bonnes bases pour commencer l’escalade.
Comment a commencé ton implication au niveau associatif ?
C’est venu assez vite. J’ai toujours été un peu comme ça : j’aime faire partager ce que j’aime, transmettre ma passion aux copains. Mon investissement associatif a donc commencé tôt, tout d’abord en emmenant grimper mes amis, et de fils en aiguilles, c’est devenu mon boulot.
Aujourd’hui, en effet, tu es conseiller technique fédéral pour le CD 53 ?
Oui, mais je préfère qu’on m’appelle Bernard (rires), je n’aime pas trop les titres. C’est vrai que mon poste est basé sur le comité départemental de la Mayenne, cela dit, j’ai aussi des missions sur la région et parfois au niveau national, sur les compétitions principalement, et parfois au niveau de la formation. En effet, depuis de nombreuses années, je forme sur les stages fédéraux : initiateurs, instructeurs, etc. Depuis quelques années on fait aussi de la formation professionnelle sur les BP (Brevet Professionnel), les CS (Certificat de Spécialisation) et le DE (Diplôme d’Etat) maintenant. Je suis détenteur du BE (Brevet d’Etat).
Et concrètement sur le terrain, en quoi consiste ton rôle ?
Au quotidien, nous entraînons les plus jeunes, de façon régulière, nous organisons des compétitions, et un peu plus occasionnellement, nous faisons en sorte qu’il y ait des murs d’escalade qui poussent dans nos communes, car dans le Grand Ouest, ils nous manquaient cruellement, jusqu’à ses dernières années.
Aujourd’hui un certain équilibre semble être rétabli.
Bon, c’est vrai que je suis gourmand, et que ça ne va jamais aussi vite qu’on le souhaiterait, mais il faut reconnaitre que ça avance. C’est un travail de longue haleine, le délai entre le début du projet et le moment où on coupe le ruban de l’inauguration est vraiment long.
Quelles difficultés rencontrez‑vous ?
Nous sommes un petit département rural et dans ce type de milieu, c’est très difficile au début d’implanter et de développer une activité nouvelle qui de plus est assez confidentielle. Enfin, ça c’était au début, car l’effet boule de neige finit toujours pas fonctionner, et quand on l’a fait une fois dans un endroit et que ça fonctionne, on peut montrer l’exemple et essaimer dans les communes alentours. Bref, on a toujours des projets en cours.
As‑tu des exemples de projets à nous dévoiler ?
Le plus gros de nos projets, c’est bien sûr la rénovation du mur de Laval. Dans les années 80, nous étions précurseurs, en construisant cette première salle spécifique de France. Mais c’est comme tout, même quand on a un peu d’avance, si on n’évolue pas, on finit par avoir beaucoup de retard, comme pour notre structure de Laval qui accueille pourtant encore aujourd’hui 200 licenciés. Cela dit, les projets sur lesquels je travaille sont nombreux, et je sais aussi que certains se concrétiseront quand je serai à la retraite. C’est le jeu, nous nous inscrivons sur le long terme.
Comment se porte l’activité dans le CD 53 ?
Nous sommes encore un tout petit département. Aujourd’hui nous comptons 650 licenciés répartis dans sept clubs, et possédons trois vraies belles structures, avec le mur Régional de Mayenne, et les salles nationales de blocs de Ballée et de La Baconnière (!Espace François Legrand, inauguré l’année dernière).
De très belles structures pour un petit département, quel est votre secret ?
Notre atout en Mayenne, c’est d’avoir su très vite se structurer. A partir du jour où nous avons monté le comité départemental, nous avons eu au moins un professionnel. A mi‑temps d’abord, puis à temps complet. Nous sommes désormais quatre salariés à temps plein, avec un soutien sur la comptabilité et l’administratif en temps partiel. Il ne faut pas oublier non plus le fabuleux investissement de nos bénévoles, toujours actifs et disponibles. Enfin, Jean-Charles Herriau, cadre à la FFME et natif de la Mayenne, a toujours été un visionnaire dans l’escalade.
Il est vrai que Laval a été un acteur historique dans le milieu de l’escalade sportive.
Oui, nous sommes investis depuis les années 80. Nous avons même été précurseurs de belles compétitions, telle que l’organisation en 1988 d’une première grosse compétition nationale. L’année suivante nous avions les deuxièmes championnats de France de l’histoire, toujours à Laval. Puis début 90, ce fut notre âge d’or, avec les coupes du monde de difficulté.
Qu’est-ce qui vous a empêché de continuer ?
A l’époque nous montions un mur spécifiquement pour chaque compétition, les normes nous offraient encore cette liberté, jusqu’en 1995, avec les championnats du monde jeune. Puis les normes ont changé, et nous n’avions plus de structure adaptée… d’où ce grand break, jusqu’à l’avènement du bloc pour lequel les structures, moins grandes, sont plus accessibles.
Et vous avez repris de bon train…
On a remis la machine des grandes compétitions en route en 2006, avec les championnats de France jeunes de difficulté à Mayenne. Peu de temps après le bloc avec une coupe de France, puis les championnats de France jeunes à Ballée. Puis, nous avons récupéré et retapé d’anciens blocs de la fédération, avant d’ouvrir la salle de la Baconnière… Bref, nous commençons à avoir de la surface grimpable. L’année dernière donc, nous nous lancions dans l’international avec la coupe d’Europe jeunes, et le rythme va croissant avec cette année l’organisation de la dernière étape de la coupe du monde de bloc senior !
La coupe du monde de Laval en chiffres
Quel est votre signature sur ces compétitions ?
Nous sommes attentifs bien entendu au bien-être des compétiteurs, et à la qualité de la compétition qu’on propose. Mais notre crédo, c’est de minimiser notre impact sur l’environnement. Il s’agit d’une démarche qui s’est imposée naturellement, étant donné le cadre rural dans lequel nous vivons et l’activité que nous pratiquons. L’escalade a toujours été porteuse de ces valeurs de respect de la nature.
Quelles actions concrètes menez‑vous en ce sens ?
Nous avons commencé petit à petit. D’abord via le tri des déchets, puis le recyclage, puis nous avons limité notre consommation de papier au départ au sein même des clubs et du comité, puis rapidement cela s’est étendu aux compétitions. Aujourd’hui nous nous sommes donnés les moyens d’aller plus loin : notre restauration, par exemple. La nourriture proposée est locale et bio, on mange dans de la vraie vaisselle et on boit dans des gobelets réutilisables. Enfin, on incite au covoiturage et aux transports en commun pour les déplacements.
Allez‑vous faire un bilan carbone pour la coupe du monde de Laval ?
Et oui, les grands rendez‑vous comme la coupe du monde de Laval sont en réalité la vitrine de notre quotidien au comité. On aura donc des poubelles de tri et on mangera bio à Laval. En revanche, côté bilan carbone… c’est vraiment compliqué avec des gros rassemblements, principalement quand des athlètes viennent des quatre coins de la planète.