Enjambée d’un bond élastique et sûr, la préface qui, telle une hideuse rimaye à la gueule béante, attend le lecteur imprudent pour l’attirer vers l’insondable perdition, nous voilà propulsés dans le domaine de la performance en montagne. C’est ainsi qu’en lisant de la vie et des réalisations d’Ueli Steck, pour une fois, des mots comme « extrême » et « exploit » ne paraissent pas galvaudés. Mais l‘alpiniste suisse, s’en défend : « …je ne considère pas mes projets comme tels [extrêmes]. À mes yeux, ils sont juste le résultat d’une évolution logique. » Au fil des chapitres , et particulièrement lors des face‑à‑face avec Messner, Profit et Bonatti, on découvre, au-delà des chronos et des récits, des sections clés de voies mythiques, un homme calme, rationnel, investi et passionné, qui ne cherche pas les défis pour la gloire ou pour « être meilleur que », ou pour devenir l’alpiniste de référence. Non. Juste pour être, suivre sa voie. Il définit ainsi, dans sa façon de pratiquer la montagne sans concessions, de nouvelles limites. Ça dérange. Walter Bonatti le souligne : « Tu as du succès, Ueli. [….] On ne te pardonnera de réussir. On préférera t’enfoncer plutôt que se mesurer à toi. » Il y en a qui se sentent inférieurs et le digèrent mal.
Édition Guérin, 2014, 350 pages, 14,00 €