FFME iMag - Le magazine de la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade - 8 : Mars 2016

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Serge Delacquis présentant un ski léger développé tout spécialement pour une expédition au Pôle Nord
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Henry Duhammel, un des pionniers du ski en France
Retour En avant

Le ski-alpinisme

Des pratiques en plein boom !

Une nouvelle pratique en plein boom. Le raccourci confine à l'abus de langage, car c'est oublier un peu vite que le ski de randonnée est l’ancêtre du ski. Et pour cause : n'est-t-il pas le meilleur moyen de se déplacer sur un terrain enneigé ?

Retour aux sources. Ce fut en tout cas la conviction d'un cadre des chasseurs alpins français, le lieutenant Widmann. D'origine suédoise, il avait découvert le ski dans son pays natal, et a passé une partie de sa vie à tenter de convaincre ses supérieurs de l'intérêt de l'utiliser comme moyen de se déplacer en montagne. Eux, ne juraient que par la sacrosainte raquette à neige : le militaire s'est donc fait une priorité de démontrer à qui voulait bien l'écouter que le ski – déjà utilisé en Scandinavie – avait le potentiel de devenir un outil privilégié dans l'arc alpin.


Si quelques groupes de passionnés de montagne commencent à s'y intéresser dès 1900 – notamment Henry Duhamel qui fut un des pionniers du ski en France – la première utilisation élargie sera donc militaire. En effet, si le lieutenant Widmann ne parviendra pas à introduire la discipline dans le giron des armées, certains de ses successeurs auront plus de succès : premier rapport concluant sur le ski en 1900 par le Capitaine Clair, premier concours militaire de la discipline en 1902 et première école militaire de ski en 1903.


Voilà peut-être de quoi brusquer les plus pacifistes d'entre vous : l'armée a joué un rôle prépondérant dans l'avènement du ski en France. Et – ne vous en déplaise – elle a continué à avoir un impact certain dans les évolutions techniques du ski de randonnée tout au long du siècle dernier. L'impératif militaire a souvent dopé l'évolution technique, notamment dans les transports.


Il n'y a qu'à demander à Serge Delacquis, grand mage technique du ski de montagne chez Dynastar : l'armée a fait partie des premiers interlocuteurs de la marque dans le développement d'un matériel plus adapté aux contraintes de la haute montagne et plus seulement de la descente. « Il y a eu les quelques experts du ski de pente raide, Pierre Tardivel en tête. Et puis il y a bien eu quelques moniteurs qui ont voulu alléger leur matériel. Mais ceux pour qui nous avons développé la première série d'un ski Dynastar se rapprochant du ski de randonnée, furent les spécialistes du Groupe militaire de Haute Montagne. » On était au début des années 70. L'ère du ski de randonnée « moderne » venait de commencer. « A mon sens, l'armée a surtout contribué au développement du ski de randonnée dans son utilisation pour aller explorer les terrains enneigés. Les vrais bons technologiques du ski-alpinisme, on les doit aux athlètes qui ont collaboré avec les marques », explique Olivier Mansiot, conseiller technique national ski-alpinisme à la FFME.


Un éventail de plus en plus large de pratiques

Du ski-alpinisme de haut niveau à la promenade sportive du dimanche sur les classiques du ski de randonnée. Jusqu'au freerando, cette pratique hybride qui consiste à utiliser les infrastructures des domaines skiables, pour ne coller les peaux que sur les dernières centaines de mètres qui séparent le « freerider » de l'accès à la pente de neige vierge. Près d'un demi-siècle plus tard, force est de constater que l'omniprésence du ski alpin a cédé du terrain au ski de randonnée. Avec un éventail de pratiques très large partant des disciples du freeski jusqu'aux athlètes des équipes de France de ski-alpinisme.


Pourquoi un tel essor ? L'amélioration radicale du matériel a sans doute joué un rôle majeur dans ce constat. Il en va de même des outils de sécurité, aujourd'hui largement optimisés avec la généralisation du DVA trois antennes. Et plus largement de l'état des connaissances en terme de prévention du risque en montagne, rendant la pratique hors-piste nettement moins exposée au danger. « On observe toujours le même nombre d'accidents mortels liés aux avalanches depuis deux décennies – une trentaine chaque année – alors que le nombre de pratiquants a été multiplié par 3 ou 4 et que le volume de journées hors-pistes a été multiplié par dix sur cette même période », assure Olivier Mansiot. « C'est sans aucune contestation possible 30 morts de trop. Mais cette tendance reflète néanmoins les améliorations significatives des conditions de sécurité dans la pratique du ski de randonnée. »


Bien sûr, la diminution des risques n'est pas le seul levier du développement du ski de randonnée : il fait peu de doute également que certains pratiquants avancés du ski de descente se soient trouvés décontenancés par l'aseptisation des grands domaines skiables. Aseptisés ? Pensez-vous vraiment que ces boulevards lissés aux sillons impeccables – qui sacrent chaque saison des milliers de champions du monde de la piste bleue – aient toujours été légion dans les stations de ski ? Sans parler de l'inflation des prix des forfaits, qui a sans doute encouragé bien des pratiquants à se tourner vers d'autres pratiques moins onéreuses.


Attention : nous ne disons pas ici que le ski de randonnée est une pratique choisie par défaut par de plus en plus de déçus des vacances au ski traditionnelles. Cette pratique a bien sûr ses inconditionnels de la première heure, ses montagnards purs et durs. Elle a aussi ses « early adopters », qui suivent pas à pas l'évolution de la technique pour une pratique variée et toujours plus ciblée. Mais elle voit aussi le développement massif de cette nouvelle catégorie de pratiquants, qui l'a simplement ajouté à son éventail d'activités, « entre la matinée sur les pistes et la raclette du soir ». Pour avoir un aperçu de la nature sauvage et profiter quand même d'une belle descente à skis. Ou tout simplement pour poursuivre en vacances la préparation physique entamée à la maison pour le Marathon de Paris ou le "trail des marmottes".


Il n'y a qu'à voir l'essor des compétitions locales de ski-alpinisme : montées sèches, relais et autres courses individuelles sont chaque année plus nombreuses à permettre à la frange la plus affutée des pratiquants de s'affronter autour des stations alpines.


Vers quelle(s) pratique(s) ?

Une catégorie de participants actifs à la ville, sans grande expérience de la montagne, mais suffisamment avertis pour parvenir à atteindre une certaine autonomie dans leur pratique : voilà assurément un des nouveaux visages du ski de randonnée. Une autre certitude émerge en parallèle, celle de la multiplicité des pratiques qui ne devraient pas se tasser avec le temps.


Il n'y a qu'à voir les gammes des équipementiers, chaque année plus étoffées, du ski « ultralight » – moins de 800g par ski, fixation comprise – du compétiteur, aux 127cm aux patins de certaines paires de freerando. « C'est un secteur très dynamique. Nos gammes s'élargissent régulièrement, nous faisons toujours beaucoup des progrès dans les technologies des skis. Avec toujours cet objectif : proposer un ski de plus en plus léger tout en conservant les acquis de skiabilité du ski alpin », explique Laurent Richard, du service marketing de Dynastar, un des acteurs historiques du ski de randonnée. Dans le cas de la marque française, le ski de randonnée correspond à 12 % des ventes globales. « Mais c'est un chiffre qui est largement en dessous des usages : innombrables sont les skieurs qui montent des fixations de randonnée sur des skis typés freeride par exemple. Une chose est sûre : voilà un secteur de lequel nous investissons et nous croyons pour l'avenir. »


Des espaces dédiés au ski de randonnée

« Des projets très variés passent sur mon bureau tous les jours. Des choses se passent, des idées émergent pour accompagner le développement de la pratique », assure de son côté – un brin énigmatique – Olivier Mansiot. Mais encore ?


« Nous allons indéniablement assister à l'émergence de lieux dédiés à la pratique du ski de randonnée. Une quinzaine d'itinéraires balisés existent déjà aux abords des stations pour répondre aux envies de la clientèle. Et c'est une tendance qui devrait se renforcer », poursuit Olivier Mansiot. Et peut-être même se formaliser. Quel visage auront ces terrains de jeux pour amateurs de fix' low tech ? Difficile à dire. Mais à observer la multiplication des stations de trail par exemple, il n'est pas délirant d'envisager la création de stations dédiées – au moins en partie – au ski de randonnée : ici, un tracé préparé et sécurisé. Là, une remontée pourrait donner accès à un terrain difficilement accessible en ne payant qu'une montée unique. Un concept qui a d'ailleurs déjà vu le jour dans le Beaufortain, un des berceaux du ski-alpinisme.


Achèterons-nous un jour un forfait pour pratiquer le ski de randonnée ? « C'est évident, ce sera une des facettes, un des moyens d’accès à la pratique », tranche Olivier Mansiot. Et finalement pourquoi pas ? S'il y a derrière cette démarche des services, tels que l'entretien d'une trace, d'un balisage ? Qu'on bénéficie d'un accès à une remontée mécanique ou tout simplement à un vestiaire et une consigne ?


Aux armes ! Non, amis montagnards et randonneurs de la première heure, ne vous insurgez pas tout de suite. « Le parallèle me paraît pertinent avec le développement de l'escalade il y a quelques décennies. On a vu l'apparition de plus en plus de sites extérieurs équipés, ainsi que la multiplication des sites artificiels – des salles – ouvrant la pratique au plus grand nombre. Pour autant, aucun site d’escalade naturel n’est devenu payant et c’est simplement l’offre qui s’est élargie avec les salles d’escalade. Bien sûr, il y aura par ci, par là des conflits d'usage. C'est inévitable, voir par exemple cet hiver l’exemple des Vans à Chamrousse (Isère). Mais je suis très confiant : il y a tant d'aspirations et de pratiques différentes, il y aura au final un équilibre. »


Ne paye-t-on pas finalement un droit d'accès aux salles d'escalade afin d'y bénéficier d'un service et d'un confort dans la pratique ? Ce n'est pas pour autant que la Face Nord des Grandes Jorasses ou les voies du 9e degré de Saint Léger du Ventoux soient devenus le nouveau Disneyland Paris. « La montagne reste un vaste terrain de jeu et chacun continuera d'y trouver son compte. » Ne cédons pas au chant des sirènes : il y a de la place pour tout le monde dans la grande famille du ski de randonnée !

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