Les Championnats du monde auront lieu à Paris en septembre prochain. Pourtant – sans même s'en rendre compte – quand il s'agit de parler de l'organisation de la grand-messe mondiale de l'escalade, ce n'est pas aux 5 lettres de la Ville Lumière que l'on associe la date de l'évènement. Mais bien à 5 autres lettres, celles qui désignent le lieu très particulier qui accueillera les meilleurs grimpeurs du monde en 2016 : Bercy.
Pourquoi ? Probablement parce que le Palais Omnisports de Paris Bercy (POPB) est une institution. Qu'il est la salle la plus mythique de l'Hexagone, qui aura en plus fait peau neuve d'ici là. Et surtout parce qu'après plusieurs compétitions internationales entre ses murs - et notamment le Championnat d'Europe 2008 et le Championnat du monde 2012 – Bercy est devenu un véritable concept évènementiel. Un spectacle unique donné devant la plus large audience qu'ait connue la compétition en escalade.
Sa recette en une phrase : « une unicité de temps, de lieu et d'action », commente Vincent Caussé. Autrement dit, cinq jours de compétition dans la même salle et deux journées de finales, le week-end, donnant à voir les trois disciplines de l'escalade. Sans oublier la compétition handi-escalade. Voilà ce qui fait le succès de la formule « Bercy » : permettre au spectateur de découvrir toutes les facettes de la compétition, le samedi et le dimanche.
Et puis offrir le plus beau spectacle possible ! « Nous faisons un gros effort pour rendre ces performances déjà monstrueuses encore plus spectaculaires. Lumières, son, animations : ce n'est pas qu'une compétition, c'est un véritable spectacle ! », promet Vincent Caussé.
Pas le droit à l'erreur !
Vous vous en doutez, un évènement de cette envergure dans un endroit tel que le POPB, demande une logistique minutée. « Rien que de regrouper la difficulté, la vitesse, le bloc et la compétition handi-escalade sur un seul évènement est un défi de taille », assure Vincent Caussé. Il en veut pour preuve la gestion des quelques 500 athlètes présents, mais aussi la logistique qu'implique l'organisation de chaque compétition. « C'est ce qui fait la grosse différence avec une Coupe du monde. Sur une étape, il n'y a jamais toutes les épreuves en même temps. Et il y a moins, beaucoup moins d'athlètes à gérer... »
Sans parler des nombreuses paires d'yeux supplémentaires, qui seront braquées sur chaque mouvement des grimpeurs : « plus de spectateurs, plus de journalistes, et la possibilité à tout moment de recevoir un invité de marque... Cela fait plus de pression, c'est sûr ! » Il est vrai qu'un championnat du monde sur le sol français peut attirer du « beau monde », « l'IFSC profite souvent de ce type d'événement pour faire découvrir notre sport, pour inviter des membres du Comité International Olympique par exemple. » Et il n'est pas exclu non plus de trouver dans les gradins un membre du Gouvernement : « bref, nous n'avons pas le droit à l'erreur ! »
La FFME a l'expérience des grands évènements
Mais l'erreur est humaine. Et on a beau y mettre toute sa volonté, un gravillon peut toujours venir gripper une mécanique parfaitement huilée. Et Vincent Caussé parle en connaissance de cause ! « Les grands championnats à Paris Bercy, on connait : cela sera le troisième en moins de 10 ans. En 2008 pour le Championnat d'Europe, on avait tout maîtrisé. Mais c'était une première et c'est vrai qu'on était un peu le fil du rasoir. On en a tiré les conclusions pour 2012 et le Championnat du monde. On avait pensé à des « plans B » pour à peu près tout. Mais on a quand même eu quelques petits soucis... Alors bien sûr, on parle d'expérience lorsque l'on dit qu'on ne reproduira pas les erreurs des organisations passées. »
Des problèmes en 2012 ? Un exemple en tête Vincent ? « Des problèmes de chronométrage en vitesse ! Une défaillance totale du système : cela a considérablement compliqué les choses. Nous avons été obligés de refaire des qualifications, chronométrées à la main ! Avec un règlement sur le faux départ trop peu précis à l'époque : on a eu quelques sueurs froides ».
Mais il est un domaine où l'organisation a été admirable – tient à préciser Vincent Caussé – et cela concerne le plus gros défi imposé par Bercy : la logistique matérielle.
Une des plus grosses logistiques que connait le POPB
« Jean-Charles Herriau - qui était responsable de cette mission - et ses équipes ont géré cela à merveille ! », assure Vincent Caussé. Et vous allez voir que ce n'était pas gagné d'avance.
Parce qu'organiser trois compétitions d'escalade sur trois structures différentes dans une salle de spectacle, ça oblige à apporter un peu de matériel. Au total cela représente la contenance de près d'une dizaine de semi-remorques ! « La direction de Bercy nous a fait remarquer que - l'organisation du Supercross mise à part - nous sommes ceux qui amenons le plus de matériel dans l'arène. » Avec une problématique de taille : « on ne peut pas faire entrer les camions dans l'enceinte du POPB. Alors on perd beaucoup de temps en manutention pour amener tout le matériel dans la salle », commente Vincent.
Et c'est pour cela que chaque minute compte : « nous recevons les clés de Bercy le samedi matin et tout doit être prêt le mardi soir. 18 heures de montages par jour : l'équipe d'une vingtaine de monteurs et de 6 décorateurs a 72 heures pour tout préparer. » Et a posteriori, moins de temps encore pour le démontage : « les compétitions terminant le dimanche soir et « l'état des lieux » étant le lundi à minuit, on a 30 heures. Pas une de plus. »
Une « deadline » pour le moins stressante, mais une donnée qu'a bien intégrée le partenaire « structures » de la FFME, Walltopia. « Nous connaissons ces impératifs depuis le début. Nous avons mis en place une organisation qui va nous permettre de gérer ça correctement. Je ne me fais pas de soucis, nous avons l'habitude », assure Thomas Berchot, qui a déjà eu l'occasion de montrer son efficacité à l'occasion de l'installation des murs de la Coupe du monde de Chamonix cette année.
Mais n'éludons pas l'éventualité d'un retard : que se passe-t-il si le lundi à minuit la salle n'est pas vidée ? « Le POPB c'est une machine qui tourne : j'imagine qu'ils ont un peu de marge dans le déroulé du planning. Et surtout qu'ils ont les ressources pour faire venir en urgence une équipe pour vider le matériel restant en quelques heures... » Mais c'est une éventualité que le responsable des compétitions de la FFME ne saurait envisager, « il y aurait de sacrés compensations financières à verser et cela nuirait à la bonne entente que nous avons eu jusque là... ». Il va donc falloir être efficace !
Une mobilisation générale de la FFME !
Et pour cela, la FFME a un fonctionnement qui a fait ses preuves : « nous nous basons essentiellement sur la direction technique nationale et nous bénéficions d'une grande aide de la part des comités locaux (régionaux et départementaux). C'est notre force, nous nous appuyons sur des ressources internes. On bosse avec eux toute l'année, ils connaissent la discipline. C'est très important. Sans oublier la grosse centaine de bénévoles motivés, qui fournissent une aide indispensable. Mais ce fonctionnement est aussi notre faiblesse. Car notre budget ne nous permet pas de faire autrement et de faire appel sur certains aspects à des prestataires. Mais c'est le jeu et pour rien au monde nous ne nous permettrions de dépasser notre budget. Alors on fait avec. »
Et le rôle de l'IFSC – la Fédération internationale - dans tout ça ? « Ils nous apportent leur soutien et leur expertise. Nous travaillons ensemble, en bonne intelligence. Ils nous font confiance. Ils savent qu'on est capable de gérer ce type d'évènements. Ils ne ressentent pas le besoin de tout contrôler », assure Vincent Caussé.
Et l'organisateur de conclure : « il faut garder en tête que nous ne sommes pas encore un « gros sport » et qu'il faut toujours composer avec des moyens limités. Mais c'est ce type d'évènements qui nous fait grandir. Alors on est toujours très enthousiastes à l'idée de relever ces défis ! »