Est-il encore bien nécessaire de présenter Catherine Destivelle ? Ou même d'évoquer son palmarès ? Bon d'accord, mais brièvement alors, pour vous faire plaisir.
Pour les néophytes - et les plus jeunes - il n'est pas excessif d'affirmer qu'elle a incarné la montagne - au féminin - dans les dernières décennies du 20e siècle. De celle qui était pourtant une des fines fleurs de la compétition sur la résine à la fin des années 80, on retiendra surtout les exceptionnelles réalisations en alpinisme ou en escalade libre. Première femme à être passée à peu près partout sur le rocher en solitaire (ouverture sur la face ouest des Drus, Cima Grande dans les Dolomites...), sur les grandes faces nord alpines (la fameuse trilogie en solo Eiger/Cervin/Grandes Jorasses) et même dans les très hautes altitudes (Makalu et Shishapangma, notamment, du côté des 8000 himalayens), elle est le symbole d'une époque où Paris-Match abondait de couteux reportages photos sur les grandes « conquêtes » montagnardes.
Bref, Catherine Destivelle n'est pas seulement une grande championne. C'est un véritable mythe. Mais un mythe en chair et en os, qui sait aussi bien s'investir ailleurs que dans le milieu qui l'a consacrée. « Même lorsque j'étais à mon plus haut niveau, il me fallait de temps en temps aller voir ailleurs. Il est impératif de s'échapper de la montagne par moments, on y revient que plus fort. »
Pour Catherine, l'ailleurs prend souvent la forme d'un manuscrit – à écrire ou à éditer – ou d'un film – à produire ou à tourner. « Avoir une activité « intellectuelle » en parallèle a toujours été salutaire pour moi. » Naturellement lorsque la vie l'amène vers d'autres horizons - « peu après la naissance de mon fils, je me suis dit qu'il fallait arrêter. Je ne voulais pas un jour " le laisser là " », explique-t-elle pudiquement – c'est vers ces activités de « transmission » qu'elle se tourne. « J'ai commencé à faire des conférences, ce qui m'a permise en parallèle de m'investir dans l'édition. » Elle fonde - avec un ami - et dirige la collection des éditions du Mont-Blanc. Elle écrit – Ascensions chez Arthaud, Le Petit Alpiniste chez Guérin, avec le père de son enfant - et ancien compagnon de cordée - Erik Decamp.
Une nouvelle vie commence, entre son chalet des Houches et son appartement parisien. Entre le rythme de la capitale et le calme au pied du massif du Mont-Blanc. « Lorsque l'on vit de ses expéditions, il y a un jour où il faut savoir passer à autre chose. Ce n'est pas une fin. Dans la vie il n'y a pas que la grimpe. Il y a beaucoup d'autres choses et d'autres défis à relever. » Un ouvrage retraçant l'histoire de l'escalade libre, par exemple (avec David Chambre et JB Tribout). Ou un livre de Grégoire Clouzeau en gestation sur le spot mythique de Fontainebleau. Et même un projet de fiction, dont elle ne nous en dira pas plus pour le moment.
Mais lorsqu'on lui demande s'il n'y a rien qui lui manque de sa vie d'avant, celle sur les sommets, elle ne peut s'empêcher un instant de nostalgie : « si bien sûr que certaines choses me manquent. Tout ce temps libre, où la seule chose que l'on faisait c'était grimper... » Un peu de nostalgie mais aucune amertume : « cela serait contre-nature d'essayer de retrouver cette sensation. De revenir en arrière. Tout cela appartient au passé : j'ai réussi à trouver un équilibre dans ma nouvelle vie et je parviens à m'en satisfaire pleinement aujourd'hui. »
