24 décembre au matin
Nouméa se prépare à fêter Noël. La SAE Magenta se porte pour le mieux, et s’apprête à terminer l’année 2013 sur un bilan exceptionnel en termes d’accueil et d’entrées. L’extension, pour rehausser le mur de 5m, en vue d’accueillir les championnats du monde jeunes six mois plus tard est en passe d’être livrée. Un petit mois de travaux devrait suffire à donner au mur les dimensions internationales requises pour cette organisation.
24 décembre, 22h
Un incendie ravage la SAE Magenta. A deux heures du matin, les pompiers viennent à bout des dernières flammes, il ne reste qu’un amas de béton et de prises calcinés. Le rêve du Comité Régional (CR) est en train de s’envoler, avec les dernières volutes de fumées. « J’ai assisté à l’extinction de cet effroyable incendie, se rappelle Philippe Boquet, président du CR FFME Nouvelle-Calédonie. Une des nuits les plus longues que j’ai eu à vivre… A partir de 3h du matin, je quitte ce qui reste de notre structure, pour prendre l’air et tenter de réfléchir en marchant. Je savais que le lendemain matin, nous devrions prendre une décision. Nous n’avions que deux options : soit abandonner et laisser le CR Nouvelle-Calédonie disparaître purement et simplement (le mur était notre unique source de revenus, ce qui impliquait de licencier nos salariés, d’annuler les championnats du monde, et d’arrêter l’aventure escalade à Nouméa), soit tenter le pari fou de s’en sortir, de reconstruire dans des délais quasi-intenables, et de faire perdurer notre rêve. »
25 décembre
Il est 7h du matin, Philippe est déterminé à tout tenter pour que l’escalade perdure. Après quelques cafés, il contacte tous les adhérents afin qu’une grande manifestation de soutien soit organisée le 26. Entre temps, le téléphone commence à sonner. « J’ai eu, à tour de rôle, quasiment tous les élus au téléphone, en me demandant ce que je comptais faire. Nous étions en période pré-électorale en Nouvelle-Calédonie, je pense que ce hasard du calendrier politique nous a été salutaire. Sans hésiter, j’argumente pour la reconstruction, à l’identique pour gagner en temps, avec l’objectif de maintenir l’organisation des championnats du monde jeunes. L’incendie du mur avait déjà fait le tour du monde, 80 pays étaient au courant. Il fallait absolument que cette compétition ait lieu, sinon l’image de la Nouvelle-Calédonie serait déplorable. »
Devant la détermination du président, les élus ne se posent pas trop la question de la faisabilité de chantier qui partait déjà avec un incroyable handicap de temps. Et puis, si vraiment tout s’enchainait, et que tout le monde s’y mettait, tout était possible ! Après une concertation de crise avec les élus des différentes instances officielles : le Gouvernement avec monsieur le ministre Jean-Claude Briault, la Mairie de Nouméa avec monsieur le maire Jean Lèques, et différents élus de la province Sud, la reconstruction est approuvée. La course contre la montre commence par les tractations avec les assureurs.
26 décembre
Le rassemblement de soutien, organisé en à peine 24 heures, réunit pratiquants, élus et membres du mouvement sportif. Cinq à six cents personnes se tiennent devant les ruines du mur pour soutenir le comité régional. « J’en profite pour faire un discours fort, presque violent, j’étais tellement en colère contre cet incendie, qui n’était autre qu’une insulte à la jeunesse de la Nouvelle-Calédonie. Mais il fallait aussi retenir que cette volonté de nous nuire, à travers cette destruction, était un aveu de réussite pour nous. J’ai ensuite montré ma détermination et prononcé le mot : Reconstruction. Un mot qui a été repris par tous les élus présents lors de leur discours. C’était tellement important. Une incroyable énergie est sortie de la foule, nous allions relever ce défi ensemble ! »
27 décembre
Nouvelle réunion de crise concernant les modalités de reconstruction. Les assureurs et élus finissent par se mettre d’accord. Sur la volonté du maire de Nouméa, essentiellement, c’est Groupama, l’assureur de la ville qui prendrait en charge le chantier dans son intégralité.
28 décembre
Décision officielle de reconstruire à l’identique, pour tenir les délais.
29 décembre
Le travail avec l’entreprise Walltopia, et principalement Thomas Berchot, commence. Il est impératif d’établir au plus vite un calendrier prévisionnel de reconstruction. Walltopia joue le jeu et met tout en œuvre pour privilégier l’avancement du mur. Les échanges quotidiens entre Philippe Boquet et l’ingénieure en génie civil, Daniella Bozhova, permettent même d’optimiser encore le mur, d’améliorer tout ce qui peut l’être pour gagner du temps à la construction, sans augmenter les tarifs.
15 janvier
Mise en production du mur en Bulgarie.
27 janvier
La zone est propre, prête à accueillir le chantier. Les ruines calcinées ont été évacuées en moins d’un mois, un défi incroyable qu’ont relevé les entreprises calédoniennes qui ont dû construire une colline pour tout déconstruire le mur du haut vers le bas. « C’était extraordinaire, les gars ont travaillé sans compter, sans pause, nuit et jour… et ce n’était que le début », explique Philippe Boquet.
26 mars
Montage de la charpente métallique.
9 avril
Couverture du toit.
10 avril
Terrassement du mur de vitesse.
11 avril
Départ des containers de Bulgarie.
22 avril
Coulage de la dalle de la SAE.
9 mai
Le gros œuvre s’achève, l’occasion de rendre hommage aux entreprises calédoniennes, sous la direction du chef de chantier et architecte : Georges Pomarès. « Tous ont pris ce challenge comme une véritable aventure humaine, poursuit Philippe Boquet. Une formidable solidarité a émané de ces travailleurs : tous les corps de métiers se sont mis d’accord pour travailler ensemble, sans jamais se gêner. Certains, qui attendaient qu’un ouvrage se finisse pour s’atteler à la tâche venaient même donner un coup de main à leurs prédécesseurs. C’était incroyable : On a vu des ferrailleurs aider les « bétonneux », qui n’avaient pas fini, à balayer pour prendre le relais plus rapidement. Sans oublier le défilé quotidien et même continu de passants qui venaient voir l’avancée des travaux. Toute la communauté locale a suivi notre chantier avec passion ! »
13 mai
Les containers Walltopia sont sur le chantier.
18 juin
Le montage des supers structures du mur de vitesse est terminé.
25 juin
Finition des faces du mur de difficulté.
4 juillet
Le montage des plaques du mur de vitesse s’achève à son tour.
6 juillet
Fin du chantier. « On est en avance de douze jours sur le planning. Avant que les bulgares ne repartent, nous organisons un immense pot, avec tous ceux qui ont travaillé ici. Car mettre cinq mois pour reconstruire une structure telle que cette SAE, c’est vraiment incroyable. Nous avions un groupe de personnes extraordinaires. La plupart avait d’ailleurs la larme à l’œil à la fin de cette journée. Je crois qu’ils étaient heureux du travail accompli, et surtout qu’on leur rende hommage sans arrière-pensée politique, juste dans la dimension humaine. »
15 juillet
Préparation du mur, l’ouverture des voies commence, quelques 5000 prises sont montées.
31 juillet
Enfin, la finition des abords s’achève. « Nous avons perdu une dizaine de jours pour le « jardinage » : installation du gazon et du gazon synthétique, plantation d’arbres, de fleurs, etc. Un travail délicat qui ne se fait pas en quinze jours, d’autant qu’il a fallu attendre la fin totale des travaux du mur pour commencer le gazon. »
1er août
La Mairie de Nouméa remet officiellement les clés au CR FFME de Nouvelle-Calédonie.
2 août
Ouverture au public !
Du 20 au 24 septembre
La structure accueille les championnats du monde jeunes (minimes, cadets, juniors), un véritable succès !
Aujourd’hui, où en est le CR ?
« Au niveau activité on est plein à craquer, précise Philippe Boquet. C’est au niveau financier que nous sommes désormais exsangues. Ces neufs mois de construction, sans activité et donc sans revenus, nous ont mis dans le rouge. C’est un risque que j’avais calculé et accepté… C’était ça ou mourir définitivement. Je pense que nous allons avoir deux années très difficiles, mais pas en termes d’activité, car l’aventure de la reconstruction et des championnats du monde nous ont rendu célèbres sur l’île. Nous avons été élus par le monde sportif et les médias calédoniens : « Evènement sportif de l’année ».
Une aventure qui fut un beau catalyseur pour que les gens s’investissent sans compter leurs heures. J’avoue que je me suis fait beaucoup de cheveux blancs, surtout sur les risques financiers. Aujourd’hui, l’outil est là. La fin d’année sera très compliquée, mais l’année prochaine, on attend les 100 000 entrées. »